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L'année du pet
L'année du pet

𝑳'𝒂𝒏𝒏𝒆́𝒆 𝒅𝒖 𝒑𝒆𝒕
𝐼𝑙 𝑓𝑢𝑡 𝑢𝑛 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠, 𝑚𝑒𝑠 𝑒𝑛𝑓𝑎𝑛𝑡𝑠, 𝑜𝑢̀ 𝑒𝑛 𝐴𝑓𝑟𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒𝑠 𝑛𝑒 𝑠𝑒 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑡𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑑𝑒𝑠 𝑐ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒𝑠 𝑛𝑖 𝑑𝑒𝑠 𝑐𝑎𝑙𝑒𝑛𝑑𝑟𝑖𝑒𝑟𝑠 𝑠𝑢𝑠𝑝𝑒𝑛𝑑𝑢𝑠 𝑎𝑢𝑥 𝑚𝑢𝑟𝑠. 𝑁𝑜𝑛. 𝐶ℎ𝑎𝑞𝑢𝑒 𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒 𝑝𝑜𝑟𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑢𝑛 𝑣𝑖𝑠𝑎𝑔𝑒, 𝑢𝑛𝑒 𝑚𝑒́𝑚𝑜𝑖𝑟𝑒, 𝑢𝑛 𝑠𝑜𝑢𝑓𝑓𝑙𝑒. 𝑂𝑛 𝑑𝑖𝑠𝑎𝑖𝑡 : 𝑙’𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑔𝑟𝑎𝑛𝑑𝑒 𝑝𝑙𝑢𝑖𝑒; 𝑙’𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑓𝑎𝑚𝑖𝑛𝑒; 𝑙’𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑏𝑜𝑛𝑛𝑒 𝑟𝑒́𝑐𝑜𝑙𝑡𝑒; 𝑙’𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑒𝑠𝑡𝑒.
𝐴𝑖𝑛𝑠𝑖, 𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑛𝑐𝑖𝑒𝑛𝑠 𝑠𝑎𝑣𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑜𝑢̀ 𝑖𝑙𝑠 𝑒𝑛 𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡, 𝑛𝑜𝑛 𝑝𝑎𝑠 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑒 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑑𝑒𝑠 ℎ𝑜𝑟𝑙𝑜𝑔𝑒𝑠, 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑐𝑒𝑙𝑢𝑖 𝑑𝑒𝑠 𝑠𝑜𝑢𝑣𝑒𝑛𝑖𝑟𝑠. 𝐸𝑡 𝑝𝑎𝑟𝑚𝑖 𝑡𝑜𝑢𝑡𝑒𝑠 𝑐𝑒𝑠 𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒𝑠, 𝑖𝑙 𝑒𝑛 𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑑𝑜𝑛𝑡 𝑜𝑛 𝑝𝑎𝑟𝑙𝑒 𝑒𝑛𝑐𝑜𝑟𝑒 𝑎𝑢 𝑐𝑜𝑖𝑛 𝑑𝑢 𝑓𝑒𝑢
Écoutez bien, mes enfants et mes amis. Voici l'histoire d’un vieil homme du Royaume Peul du Macina. Le vieux était sage comme un baobab et rieur comme un enfant : on l’appelait ancien, mais il gardait encore le goût de la plaisanterie. On disait qu’il avait vu plus de saisons que le tam-tam n’avait battu de notes. Il gardait des troupeaux, il gardait surtout un petit secret qui lui chatouillait le ventre.
Un soir, alors que les étoiles s'accrochaient aux branches de la nuit, il y eut une grande palabre sous le baobab. Les jeunes parlaient fort. Les vieux parlaient doucement mais avec des éclats comme des pierres précieuses. Chacun avait son mot, son anecdote, sa vérité. On parlait de pluies, de récoltes, d’habitants qui ne savent pas compter les chèvres, et d’un proverbe que personne ne comprenait tout à fait.
Ce soir-là, le vieil homme avait mangé des cornilles, vous savez, ces petits haricots qu’on appelle 𝒏𝒊𝒆́𝒃𝒆́, doux dans la bouche mais rusés dans le ventre. Il en avait avalé un grand bol, trop peut-être. Or, les niébés, mes enfants, ce sont de petites graines qui aiment bavarder quand l’homme digère. Et dans le ventre du vieil homme, elles tinrent palabre, elles aussi — une palabre bruyante, qui finit par vouloir sortir prendre l’air...
Le vieux s’était assoupi au milieu des paroles. Il y a des oreilles qui savent tenir, des oreilles qui se laissent bercer.
Mais cette nuit-là, les paroles le bercèrent si rondement que, sans le vouloir, il fit un bruit qui n’appartient qu’aux gros intestins et aux histoires qui veulent sortir : un pet.
Oui, mes enfants, un pet. Mais pas n’importe lequel. Il y a le 𝒑𝒔𝒄𝒉𝒊𝒊𝒊𝒕, discret, ni vu ni connu. Et puis, il y a le 𝒑𝒓𝒐𝒖𝒖𝒖𝒕𝒕, ce traître, celui qui se prend pour un tambour. Hélas, ce soir-là, ce fut le deuxième, qui s’échappa de son côté.
Le camp s’arrêta. Les jeunes se regardèrent, puis les vieux se regardèrent, et chacun devint interdit. On se regardait, on se mesurait du regard.
Une voix, toute fine, osa demander : « 𝑄𝑢𝑖 𝑎 𝑓𝑎𝑖𝑡 𝑐ℎ𝑎𝑛𝑡𝑒𝑟 𝑠𝑜𝑛 𝑑𝑒𝑟𝑟𝑖𝑒̀𝑟𝑒 ? »
Une autre renchérit et dit : « 𝐻𝑎𝑛! 𝐶𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑎 𝑝𝑟𝑖𝑠 𝑙𝑎 𝑝𝑎𝑟𝑜𝑙𝑒 𝑑𝑒ℎ! »
Une autre, plus douce, répondit en chuchotant :
« 𝐴𝑙𝑙𝑎ℎ 𝑚𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛𝑒, 𝑖𝑙 𝑠𝑒𝑚𝑏𝑙𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑐'𝑒𝑠𝑡 𝑀𝑎𝑤𝑑𝑜 𝑙'𝑎𝑛𝑐𝑖𝑒𝑛! »

Alors les rires vinrent, discrets d’abord, des rires retenus, qui se cachaient dans les barbes et les turbans Mais les rires, parfois, peuvent piquer comme l’épine d’un cactus, et le vieux sentit ses os se réchauffer d’une gêne insupportable.
Plutôt que de faire face aux rires , car les vieux sages savent détourner les regards, il fit quelque chose que personne n’attendait : il se leva, ramassa son bâton, salua sans un mot et partit dans la nuit. Pas un pas rapide, mais un pas décidé, un pas qui dit : « Je vais ailleurs. » Et il disparut vers le sud.
Il marcha nuit et jour, au rythme des étoiles. Il marcha des lunes et des lunes. Il traversa le pays des Sarakolés, les terres des Bambaras, les villages des Soussous, puis les terres des Sénoufos.
Puis vint la forêt des Bantous. Il resta sept fois sept ans dans cette forêt. Là-bas, il apprit le langage des arbres, ce langage muet qui dit : « « 𝑸𝒖𝒊 𝒎𝒂𝒏𝒈𝒆 𝒅𝒖 𝒏𝒊𝒆́𝒃𝒆́ 𝒅𝒐𝒊𝒕 𝒔𝒂𝒗𝒐𝒊𝒓 𝒒𝒖𝒂𝒏𝒅 𝒒𝒖𝒊𝒕𝒕𝒆𝒓 𝒍𝒂 𝒑𝒂𝒍𝒂𝒃𝒓𝒆. »

Quand, au crépuscule de sa vie, son pas devint lent, il remit son bâton sous le bras et se dit : « Mon pays m’appelle. » . Il reprit la route vers le nord. Il traversa encore des villages
Un soir, il arriva sur les rives du Niger.
Il s’approcha d’un foyer, s’assit, remit doucement sa peau de chèvre sur ses épaules et inspira l’odeur du feu. C’est à ce moment-là qu’il entendit. Non pas une chanson, ni un proverbe profond, mais deux hommes qui discutaient.
« 𝐽𝑒 𝑡𝑒 𝑑𝑖𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑐𝑒 𝑛’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑠𝑖 𝑣𝑖𝑒𝑢𝑥, 𝑡𝑢 𝑣𝑒𝑟𝑟𝑎𝑠» dit le premier.
« 𝐽𝑒 𝑡’𝑎𝑠𝑠𝑢𝑟𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑣𝑖𝑒𝑢𝑥. 𝐸́𝑐𝑜𝑢𝑡𝑒, 𝑚𝑜𝑛 𝑝𝑒̀𝑟𝑒 𝑚’𝑎 𝑑𝑖𝑡 𝑞𝑢𝑒 𝑐’𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑙’𝑎𝑛𝑛𝑒́𝑒 𝑑𝑢 𝑝𝑒𝑡. » répondit le second.
Le vieux Mawdo entendit et, s'en retournant, plongea dans la nuit, et ne revint jamais. Il alla finir ses vieux jours là-bas, là-bas, au royaume des ténèbres.
Les enfants, retenez ceci : un son peut être une porte. Il ouvre parfois sur le ridicule, parfois sur la sagesse. Et si un jour vous êtes à l’origine d’un pet sans le vouloir, souriez, car il se peut que votre petit bruit devienne l'année du pet que l’on racontera au siècle prochain!
C‘est là que finit mon conte, ou du moins, jusqu’à la prochaine fois.

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Contes